Jusqu’à quel niveau sonore peut-on écouter sans risque de surdité ?
Qui n’a jamais ressenti une gêne auditive après un concert, une forte détonation, ou après avoir retiré ses écouteurs ? Cette impression d’oreilles bouchées, accompagnée de bourdonnements ou de sifflements, est le signe que vos oreilles ont subi un traumatisme sonore. Si ces sensations s’estompent, les dégâts, eux, sont irréversibles. En effet, chacun possède un « capital auditif » limité, qui ne se régénère pas. Ce capital diminue plus ou moins rapidement selon l’intensité et la répétition des traumatismes sonores, et conduit à un vieillissement accéléré de l’audition (presbyacousie), premier pas vers la surdité.
Deux mécanismes fragiles
Ce capital auditif repose sur 15 000 cellules ciliées, les capteurs sensoriels de l’audition, et sur 35 000 neurones du nerf auditif qui y sont connectés. Logées dans l’oreille interne, ces cellules et fibres nerveuses risquent d’être endommagées dès que l’exposition sonore dépasse les 80 dB. Pourtant, les écouteurs peuvent produire un son allant jusqu’à 100 dB ou plus, selon le modèle et la source audio.
Lorsque le son atteint la cochlée, il fait vibrer les cils des cellules ciliées ainsi que leur membrane, produisant ainsi une libération de glutamate – un neurotransmetteur qui se fixe sur les neurones pour transformer les vibrations en messages nerveux à destination du cerveau. Cependant, les cellules ciliées s’usent sous des niveaux sonores dépassant les 80 dB et ne se régénèrent pas une fois détruites.
« L’accumulation du bruit provoque la mort des cellules ciliées, » explique un directeur d’un laboratoire de psychopathologie de l’oreille interne. Trop endommagées, ces cellules déclenchent leur propre programme de mort cellulaire, appelé apoptose. Par ailleurs, une excitation excessive des cellules ciliées entraîne une libération excessive de glutamate, toxique pour les fibres nerveuses. Si certaines peuvent se reformer après un choc sonore, d’autres sont définitivement perdues.
La destruction des cellules ciliées et des fibres nerveuses favorise l’apparition précoce de la presbyacousie. Ce sont les cellules sensibles aux sons aigus qui sont les premières à s’user, car elles reçoivent les vibrations les plus intenses (jusqu’à 20 000 Hz contre 20 Hz pour les graves). Toutefois, ce vieillissement varie selon les individus, avec une influence des facteurs génétiques et de certains médicaments dits « ototoxiques » comme la quinine. Mais c’est le bruit qui reste le principal responsable.
Une étude menée auprès d’une tribu pygmée sans percussions et de jeunes du Bronx, qui écoutent de la musique à plein volume, a révélé un contraste saisissant : les oreilles des jeunes de 20 ans du Bronx présentaient des signes de vieillissement auditif équivalents à ceux des Pygmées de 80 ans.