Langage des signes : comment les malentendants construisent leurs pensées sans voix intérieure ?
Privés d’audition et d’expression orale, les sourds et malentendants utilisent la langue des signes pour construire leur pensée abstraite.
Cela pose une question fondamentale : peut-on réfléchir sans recourir à des mots sonores, alors que les entendants utilisent une « voix intérieure » pour structurer leurs idées ?
Cette problématique exclut les sourds postlinguaux, qui, après avoir acquis le langage oral, continuent de relier images et sons comme s’ils effectuaient une traduction mentale.
Pour les sourds de naissance, en revanche, l’absence totale d’expérience auditive oriente la réflexion vers un langage purement visuel. Mais au-delà de la perception sensorielle, c’est le langage lui-même qui joue un rôle clé : il permet de symboliser des concepts abstraits et de donner forme à la pensée.
La langue des signes, clé de la pensée pour les malentendants
Jusqu’à l’apparition de la langue des signes – introduite en France en 1771 avec la première institution éducative dédiée – les malentendants étaient privés d’un moyen structuré de communication et de réflexion. Leur pensée, laissée en sommeil, les confinait à une marginalisation sociale, où ils étaient souvent perçus comme des « simples d’esprit ».
Avec la langue des signes, ils ont acquis un véritable outil linguistique : un vocabulaire riche et une grammaire complète. Désormais, tout passe par la vue plutôt que par l’ouïe. Là où les entendants s’appuient sur une « voix intérieure », les malentendants mobilisent une « vision intérieure », construisant leurs idées à travers des gestes visualisés plutôt que des mots entendus.