Vers une guérison de la surdité grâce à des virus génétiquement modifiés
Rendre l’ouïe à des souris sourdes grâce à une simple injection dans l’oreille ? Cet exploit, réalisé par une équipe de l’Institut Pasteur, pourrait ouvrir la voie à un traitement révolutionnaire chez l’homme.
« C’est la première fois dans le monde qu’on arrive à inverser la surdité chez un animal adulte ! » se réjouit Saaïd Saffiedine. Alors que certaines méthodes préventives existaient déjà, aucune n’avait encore réussi à restaurer l’audition après sa perte.
Chez l’humain, l’audition se développe avant la naissance, ce qui compliquait l’adaptation des thérapies géniques conçues pour les souris. L’objectif est désormais de traiter les nourrissons sourds via une micro-injection dans l’oreille.
Cette avancée repose sur deux adénovirus génétiquement modifiés, transportant une version fonctionnelle du gène de l’otoferline. Cette protéine, essentielle à l’audition, est absente chez les personnes atteintes de la mutation DFNB9. Une fois injectés dans la cochlée, les virus combinent leurs séquences ADN pour produire une otoferline non mutée, rétablissant ainsi la capacité auditive.
Deux injections pour restaurer l’audition
« Nous aidons juste les cellules à reproduire un phénomène biologique naturel ! » , explique Saaïd Saffiedine. Avec cette thérapie génique, les cochlées des souris produisent elles-mêmes l’otoferline, la protéine essentielle à l’audition. « On doit encore vérifier combien de temps dureront les effets bénéfiques de la thérapie, mais on espère que seules deux injections, durant les premiers mois de vie, suffiront pour traiter définitivement un patient. » La surdité ciblée par cette innovation, la DFNB9, représente 2 à 3 % des cas mondiaux. Cependant, les adénovirus développés pourraient traiter bien d’autres formes de surdité génétique, qui représentent près de 50 % des cas.
« On a la preuve que le concept fonctionne, poursuit Saaïd Saffiedi. Maintenant, on peut imaginer l’utiliser pour traiter des surdités dues à des défaillances d’une autre protéine, la connexine. Ou même s’en servir en traitement préventif, pour délivrer aux cellules auditives des produits protecteurs contre le vieillissement prématuré de l’oreille. »
Avant une mise à disposition, plusieurs étapes cruciales restent à franchir : vérifier la durée des effets, évaluer les risques potentiels et mener des essais cliniques sur l’Homme. Ces essais pourraient débuter d’ici cinq ans, ouvrant la voie à un avenir où l’audition pourrait être restaurée grâce à quelques microgouttes révolutionnaires.
Source : Sciences & Vie